DADVSI et Goliath

Par Florent - 20/12/2005
Depuis plusieurs semaines maintenant, le web bruisse d’une rumeur, d’un grondement, et s’habille d’un bandeau "NON à la DADVSI". Au premier jour du passage de la loi devant les députés, il était temps, après l’avoir signé, de parler de cette pétition.

L’histoire commence en 2001, quand la commission européenne adopte l’EUCD ("European Union Copyright Directive") visant à renforcer la protection des droits d’auteurs face à l’émergence des outils et supports numériques. Elle met en place un équivalent européen de la loi américaine Digital Millennium Copyright Act (DMCA), élaborée par et pour les maisons de disque afin de disposer de moyens "légaux" de poursuivre les vilains petits internautes.

Après moults reports, la France soumet enfin sa transposition, le projet de loi DADVSI (Droits d’Auteurs et Droits Voisins dans la Société de l’Information), en urgence (une seule lecture dans chaque chambre), pour éviter les sanctions de Bruxelles. Son rapporteur est un certain Christian Vanneste !

Différents articles dans les journaux nationaux n’ont évoqué que la lutte contre les logiciels P2P, puisque la loi prévoit de sanctionner les éditeurs de logiciels qui favoriseraient les échanges illicites ou auraient connaissances de ceux-ci sans agir. Personne ne peut réellement s’opposer à ce que l’usage illégal de ces outils soit pénalisé. L’idée est d’instaurer une échelle d’actions, depuis l’avertissement par mail des internautes fraudeurs, à l’amende s’ils continuent (300€, puis 1500€ en récidive), sans encore avoir eu l’accord de la CNIL quant à la conservation et l’utilisation des courriels. Mais la portée juridique contre les logiciels est inutile puisque Kazaa, E-mule et compagnie ne sont pas français, et cette vision gène également l’échange légal de contenus (libres de droits, échanges privés ou contenus dont on est l’auteur).

Cependant, au delà de l’aspect réducteur du peer-to-peer, ce texte de loi pose plusieurs problèmes :

1. La remise en cause du droit à la copie privée.
Le point majeur de la loi vise à autoriser les DRM, systèmes de protection anti-copie mis en place par les majors. Tenter de violer les verrous légalisés deviendra répréhensible. Ce qui signifie qu’en achetant un Cd ou un morceau sur les plate-formes légales, on ne peut pas se servir à volonté et librement de ces produits. Tout client est potentiellement un délinquant qui se cache. Ainsi, un morceau téléchargé sur Fnac.com ne peut etre copié que 7 fois. Une fois téléchargé, on ne peut donc pas le transférer et le supprimer autant de fois qu’on le désire.
Et tandis que les documentalistes s’émeuvent du risque de restriction d’accès à la consultation, l’Etat assure ses arrières, en mentionnant dans la loi, une exception à l’invincibilité des protection : le dépôt légal.

2. La violation de la vie privée
Les DRM ne bloquent pas simplement le nombre de copie. Récemment on a ainsi appris, que les CD de Sony-BMG, installaient un logiciel furtif, invisible aux utilisateurs lamba, pour espionner leurs pratiques. La technologie est celle du cheval de troie, qui ouvre une « porte » dans le système informatique. Cet outil, outre l’atteinte à la vie privée, favorise également la propagation des virus. De plus, la licence de Sony est beaucoup plus restrictive que la loi, puisqu’aucune copie n’est utilisable si l’on perd l’original (y compris en cas de vol), et l’écoute interdite sur aucun support dont l’acheteur du CD n’est pas propriétaire, ni en dehors des frontière du pays d’achat.

3. L’absence de droits d’auteurs pour les fonctionnaires
Alors que les salariés des groupes logiciels ont, il y a peu, été reconnu en partie propriétaires de leurs productions, l’Etat nie ce droit à ses agents. De plus, cet aspect serait intéressant si en parallèle toutes les productions étatiques devenaient libres de droit, pour que tout ce qui est financé par la collectivité soit disponible gracieusement à toute autre entité nationale ou contribuable. Mais là, cette privation de paternité des agents de l’Etat, y comprit les travaux des universitaires ou chercheurs, ne semble pas favoriser la publication de tous les travaux qui dorment dans les armoires des ministères, ni le partage de la richesse intellectuelle de l’Etat.

4. Le frein aux logiciels libres.
Par essence les logiciels libres sont ouverts, c’est à dire que tout ce qui les compose est lisible. Or, puisque les DRM sont secrets, pour être efficaces, les logiciels libres ne peuvent intégrer des systèmes lisant ces DRM qu’en les contournant, et donc en devenant hors la loi. De ce fait, seul les logiciels propriétaires, autorisés par Sony ou Universal pourront lire les CD de ces compagnies. Comme si Total nous obligeait à utiliser des voitures Peugeot, ou que TF1 ne pouvait se regarder que sur une TV Panasonic. La liberté de l’acheteur est donc limitée au niveau des supports d’usages tout comme de sa fréquence, car si l’interopérabilité est demandée par la loi, elle n’indique aucune sanction envers les éditeurs, et oublie le secteur du libre.

La pétition de EUCD a récolté 120 000 signatures. Beaucoup ou peu, difficile à évaluer. Au vu des utilisateurs du libre, des plateformes musicales, ou des internautes éclairés, cela semble peu. Pas assez en tout cas pour que le projet de loi soit profondément changé par le Parlement.

A lire pour comprendre un peu plus ce qui nous arrive :
=> Sur le projet de loi : www.eucd.info
=> Sur le danger des DRM : Déchiffrons le DRM : pourquoi le gouvernement français veut aider le DRM
=> Sur le droit d’auteur à l’heure du numérique : Le droit d’auteur affronte le choc du numérique (Le Monde) et les échanges de contenus culturels : DADVSI : « Il y a d’autres voies que les impasses du SNEP » (Framasoft)



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