A nous de vous faire préférer l’humain

Pourtant, le développement d’Internet est censé améliorer la vie de tous. Plus simple, plus rapide, l’administration doit être proche du citoyen. Toujours ouverts, avec plus de produits que jamais, les e-supermarchés facilitent les achats conpulsifs. L’économie sera donc soutenu par les technologies. Engagez vous, auprès de l’UMTS et de l’ADSL. Vous participerez ainsi à l’effort de la Nation.

Et les Français écoutent. Le Monde nous informe que les ventes en ligne explosent(1). Les cybercamelots s’en frottent les mains. Premiere boutique en terme d’échanges pécuniaires depuis plusieurs années, la SNCF propose désormais des prix spéciaux quand on se passe des hommes qu’elle paye. 19E au lieu de 90E, la fracture entre les factures est énorme. Il faudrait être fou pour dépenser plus ! Le fait que ce soit les plus riches (ce qui peuvent accéder à Internet facilement) qui bénéficient des prix les plus avantageux ne choque personne. Internet coûtent mois cher à la SNCF, donc l’entreprise favorise ce mode de diffusion commerciale. La logique économique n’est pas discutable.

Mais voila la nouvelle tombe : fort du succès de son site, la SCNF va pouvoir se délester de 2300 cheminots atteints de grèvite aïgue (2). Les cauchemards des syndicats lors du lancement de l’iDTGV se sont matérialisés. Bien sûr pas de licenciements. L’entreprise n’est pas capitaliste. Mais des postes qui ne sont pas renouvelés et des mutations. Peut-être verra-t-on alors des couples de contrôleurs dans chaque train !

Dans mes cours d’économie de terminale, on m’expliquait que le progrès technique ne détruit pas l’emploi. Les emplois supprimés par l’automisation étaient remplacés par des postes de contrôle technique, de conception de ces outils et de services (je résume un peu, je vous l’accorde). Là, une filiale de 10 salariés (dont seulement un cheminot) viendra à bout en 3 ans de 2300 employés. Le rapport est lourd socialement, car on ne peut attendre une multiplication par 10 des effectifs de l’équipe. Cela implique aussi une réduction des points de ventes. Les bornes automatiques ont déjà fleuries dans quelques gares isolées. Ce serait un tiers des points de vente qui tirerait le rideau (de fer, bien sûr). Le buraliste-postier-barman-boulanger-épicier deviendra-t-il aussi agent SNCF ?

Cette annonce peut sembler anecdotique. Le fait que Renault va verser près de 2 mois de salaire à ses ouvriers français grâce à une internationalisation réussie est somme toute plus révélateur de la mutation de l’économie française. Et de voir comme le Plantu du Monde du jour, des syndicalistes prôner les bienfaits des délocalisations.

Pourtant comme professionnel des technologies, cette décision m’intrigue. Je ne suis pas aussi optimiste que le Figaro titrant sur la révolution électronique du rail(3). Depuis près de 2 ans, je travaille sur les aspects sociaux du Net. J’y crois. Je vante les mérites du réseau. Mais dois-je inciter l’apprentissage d’Internet, pour ce résultat ? Car ce qui est vrai pour le train, est vrai pour le monde de la photo qui, après les problèmes de l’emblématique Ilford, voit encore deux laboratoires Kodak fermer (4). Il ne s’agit pas de jouer les frileux face au progrès. Prenons juste garde à ne pas devenir des docteurs Frankenstein embarrassés de notre monstre et à ce que progrès technologique ne soit jamais antinomique de progrès social.

Florent Lajous